O analiză pertinentă a huliganilor ruși care au speriat Marseille.
Sébastien Louis, historien spécialisé dans l’étude des supporteurs radicaux, a assisté aux scènes de violences qui ont vu s’affronter supporteurs russes et anglais, ce week-end à Marseille. Coauteur notamment de Soutenir l’équipe nationale de football (Editions de l’Université de Bruxelles), le chercheur pointe la responsabilité des hooligans russes et les carences des autorités (Etat et UEFA) dans la gestion du risque hooligan.
Angleterre-Russie à Marseille, les affrontements étaient attendus, ils ont quand même eu lieu, comment l’expliquez-vous ?
Sébastien Louis. Les événements se sont déroulés en plusieurs phases distinctes. Les autorités craignaient principalement des affrontements entre les supporteurs anglais et la population locale. La tradition des fans anglais est d’occuper l’espace public, de s’installer dans les bars du centre-ville, de décorer les bars avec leurs drapeaux… et de boire énormément. La situation a dérapé jeudi soir. Il y a eu de légers débordements, mais ils étaient effectivement attendus, notamment avec les jeunes Marseillais, pour qui on empiétait sur leur territoire. L’ambiance restait toutefois festive dans son ensemble. Il y avait des familles, même si l’essentiel du contingent anglais était composé d’hommes entre 16 et 55 ans, certains habillés avec des marques emblématiques de la sous-culture casual. Mais c’était un climat « à l’anglaise », que l’on peut retrouver un vendredi soir dans les rues de Londres. Il s’agissait de faits isolés, sous l’effet de l’alcool.
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Qu’est-ce qui a fait basculer cette ambiance tendue en violents affrontements ?
L’arrivée des hooligans russes. Vendredi après-midi, un groupe d’une vingtaine de personnes est arrivé vers les bars et pubs qui longent le Vieux-Port. J’ai vu derrière moi 20 « golgoths ». Je les ai de suite identifiés comme des spécialistes de l’ultraviolence. Ils avaient tous le même tee-shirt, certains portant des bandanas tête de mort, ils ont montré leurs muscles. Un comportement typique des hooligans venus des pays de l’Est.
La police est arrivée et a bien agi en s’interposant entre les différents protagonistes. Il y a eu quelques jets de bouteille mais ça s’est arrêté là. Ils sont ensuite repartis. L’erreur est de ne pas les avoir interpellés dans la foulée. Je les ai retrouvés à 1 kilomètre de là, attablés à une terrasse. Les affrontements ont repris samedi vers 17 heures et la bataille la plus violente a eu lieu place Estienne-d’Orves. C’était un raid, on avait affaire à un commando paramilitaire dans l’organisation : ils repèrent les lieux, désignent une cible, puis passent à l’attaque. Ils connaissaient parfaitement la géographie du quartier et prenaient des voies perpendiculaires ou parallèle pour éviter les contrôles de police.
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Comment expliquer ces comportements ?
Les hooligans russes veulent être dans le top 3 du hooliganisme européen. La meilleure chose à faire pour cela ? Se montrer lors d’une compétition internationale et s’attaquer aux « maîtres » en la matière, les Anglais. Même si dans les faits ils ne le sont plus depuis une quinzaine d’années. Mais ils restent une référence dans l’imaginaire et la mythologie des supporteurs radicaux en Europe.
Une façon de marquer leur territoire ?
Tout à fait. On est à Marseille, une cité sensible et emblématique du football français. S’attaquer aux supporteurs anglais est une façon de placer la barre très haut. Ils étaient complètement reconnaissables avec leurs tee-shirts revendiquant leur appartenance à leurs clubs respectifs : CSKA Moscou, Spartak Moscou, Lokomotiv, Zénith Saint-Pétersbourg. En temps normal, ils se battent entre eux. Mais là, il y avait une sorte de concorde. Ensuite, chacun est reparti avec son groupe pour bien montrer que leur club est le plus important, pas les couleurs de la Russie.
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